NOUVELLES EROTIQUES Tome 1 (2023-2025)
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11 - J’arrête de fumer
— « Tu devrais essayer », dit Hélène, en tirant une gorgée de son café.
— « Je ne sais pas… » Je réponds en me tortillant nerveusement le coin de ma serviette.
— « Sérieusement, tu vas te trouver mille excuses ? Moi, j’ai arrêté en un mois, et tu sais à quel point je suis têtue.
Elle arque un sourcil, presque fière de son exploit. Je la connais. Hélène aime se lancer dans des défis insensés, puis brandir ses victoires comme des trophées. Son regard me fixe, insistant, un peu dur.
— « Mais ces séances… elles n’étaient pas censées durer une semaine, pas plus ? » Je réplique, avec une pointe de provocation, juste pour voir comment elle va réagir.
Elle pince les lèvres, détourne les yeux vers la place située devant la terrasse du bar et inspire longuement avant de répondre. Son ton devient plus doux, presque embarrassé.
— « Je sais, je sais. Mais les séances d’hypnose m’aident. Après chaque rendez-vous, c’est comme si... comme si j’étais une autre personne. Je sors de là et, pendant un moment, je me sens... légère. Je respire, tu vois ? »
— « Tu crois vraiment à ces trucs-là ? » Cette fois, je la questionne sérieusement, sans ironie.
— « Deux séances », insiste-t-elle. Ses yeux brillent d’un mélange de détermination et d’inquiétude. « Juste deux. Essaie, et tu verras bien. »
Un silence s’étire entre nous. Je prends une gorgée de mon soda, mais son goût sucré laisse une amertume étrange sur ma langue. Mon regard glisse vers le paquet de cigarettes posé à côté de mon téléphone. Cette photo... Une gorge béante, déchirée, qui semble me narguer. Une boule d’angoisse se forme dans mon estomac.
Je veux détourner mes pensées, mais elles reviennent en boucle. Hélène continue de parler, sa voix devient un bourdonnement lointain. J’attrape quelques bribes : son collègue insupportable, sa séance de yoga annulée, un rencard qui a tourné au désastre. Tout cela m’effleure à peine. Sa phrase me hante encore. Deux séances. Juste deux. Pourquoi pas ?
Le soir, allongées dans mon lit, mes pensées s’emballent. Le sujet tourne en boucle, implacable, comme un disque rayé. Impossible de penser à autre chose. Elle grandit, prend toute la place, comme une urgence que je ne peux plus ignorer. Pour ma santé, d’abord, mais aussi pour mon portefeuille, qui souffre presque autant que mes poumons.
Je fixe le plafond, les dents serrées. Il faut que je fasse quelque chose. C’est décidé. Demain, je prends rendez-vous avec l’hypnotiseur.
******
Me voilà en route pour mon rendez-vous. Une légère tension me noue l’estomac, comme une boule invisible qui refuse de se dissiper. Je pousse la porte du cabinet, et un calme surprenant m’enveloppe aussitôt. L’air est immobile, presque pesant dans son silence.
Je traverse un couloir étroit, une porte vitrée me fait face. Je la pousse et découvre une salle d’attente déserte. Je m’assieds, mes mains sur mes cuisses, et attends. Quelques minutes plus tard, un homme d’une quarantaine d’années ouvre la porte. Ses cheveux sont légèrement ébouriffés, portent un jean simple et une chemise ajustée, sans cravate.
— « Madame Lemoine ? » dit-il d’une voix posée.
— « Oui », réponds-je en me levant, la voix légèrement serrée.
Il me fait un signe de tête et je le suis dans son bureau. La pièce est sobre, presque épurée. Un grand bureau en bois clair trône au milieu de la pièce, flanqué de quelques dossiers impeccablement rangés. Derrière, l’homme s’installe et pianote tranquillement sur son ordinateur, concentré. Ses doigts bougent avec une précision mécanique, comme si ce geste était parfaitement rodé.
Je m’assois en face de lui, mes mains croisées sur mes genoux. Mon regard balaie brièvement la pièce, mais revient vite vers lui. Il lève les yeux vers moi, m’examine rapidement avant de prendre la parole. Sa voix est posée, presque monotone, mais avec une légère chaleur qui ne m’échappe pas.
— « Je dois obtenir quelques détails pour finaliser votre dossier », commence-t-il, sans même un signe d’amabilité.
— « Oui, bien sûr », dis-je, ma voix un peu plus aiguë que je ne l’aurais voulu.
Il pose une série de questions, directes et cliniques : votre date de naissance ? Des allergies connues ? Des antécédents médicaux importants ? Je réponds, un peu distraite, mes yeux balayant son bureau. Quand il termine, il se redresse légèrement et me fixe avec une curiosité professionnelle.
— « Vous avez déjà été hypnotisée ? »
— « Non, jamais. C’est ma première fois. »
— « Très bien », dit-il, un léger sourire sur les lèvres, le premier depuis le début de l’entretien. « La première séance sert à préparer votre esprit et votre corps. Elle permet aussi d’évaluer votre réceptivité à l’hypnose, afin que je détermine combien de séances seront nécessaires. Si j’ai bien compris, vous souhaitez arrêter de fumer ? »
— Oui, c’est exact.
— D’accord. Venez, je vais vous installer.
Il se lève et me fait signe de le suivre. Nous entrons dans une pièce immaculée, d’un blanc pur, presque irréel. L’éclairage diffus semble conçu pour apaiser les sens. Pas de tableaux, pas d’objets inutiles. Juste un fauteuil large et une chaise en métal. L’ensemble est si épuré que j’ai l’impression d’être entrée dans une autre dimension.
— « Installez-vous dans le fauteuil », me dit-il.
Je m’y glisse avec une certaine appréhension. Le fauteuil m’enveloppe aussitôt, son rembourrage dense épouse mon corps. Je remarque un panneau de commandes sur le côté. Il s’approche, règle quelques boutons. Le fauteuil s’incline doucement, m’allongeant dans une position idéale, presque parfaite. Une sensation de relâchement immédiat s’empare de moi, comme si le fauteuil savait exactement comment m’apaiser.
Il reste debout, comme s’il mesurait chacun de ses gestes. Ses pas sont lents, presque imperceptibles, glissant sur le sol sans un son. Il me contourne, s’arrête juste derrière moi. Sa présence est silencieuse, mais je la ressens, presque physique.
— « Bien, respirez doucement », dit-il d’une voix basse, profonde, presque hypnotique. « Tout ce que vous avez à faire, c’est écouter. »
Mes muscles sont raides, chaque fibre tendue comme une corde trop serrée. Une angoisse sourde s’installe, nichée quelque part entre ma poitrine et mon ventre. Je ferme les yeux, essayant de respirer plus calmement, mais ça ne suffit pas.
— « Vous êtes tendue », dit-il, posément.
— « Oui… un peu », j’avoue, ma voix hésitant sur les derniers mots. « C’est la première fois. »
— « Pas de souci, on prendra notre temps », répond-il avec un sourire dans la voix, ce genre de ton qui rassure sans vraiment en avoir l’air. « Vous avez lu mes recommandations sur mon site ? » demande-t-il.
— « Non, je n’ai pas eu le temps. »
Il marque une pause, comme s’il s’attendait à cette réponse. Puis il reprend, sans se formaliser :
— « Pour être à l’aise, il vaut mieux éviter les vêtements serrés. Ils peuvent gêner la relaxation. »
— « Comme quoi ? »
— « Survêtement, jogging, ou une robe ample… quelque chose de confortable. »
— « D’accord, je ferai un effort la prochaine fois », dis-je en opinant légèrement, même si je suis déjà en train de regretter mes jeans moulants.
— « Très bien. On commence. »
Il prend une télécommande posée sur un coin de son tabouret et appuie sur plusieurs touches. Lentement, les rideaux se ferment dans un mouvement fluide et silencieux. La lumière baisse, jusqu’à plonger la pièce dans une semi-pénombre.
Je laisse échapper un léger sourire. Cool, sa télécommande. Je veux la même à la maison, me dis-je, presque amusée, avant de revenir à la réalité de ce moment.
— « Respirer, inspirer encore … Vos paupières sont lourdes, vous n’entendez que ma voix. À 3, 2, 1, vous êtes sous mon contrôle.
******
— « Voilà, c’est terminé. Vous pouvez ouvrir les yeux », annonce-t-il calmement.
Je cligne des paupières, encore un peu déboussolée, et fixe le plafond immaculé.
— « Déjà ? Mais… il ne s’est rien passé », dis-je, surprise.
— « Si, si. La séance s’est parfaitement déroulé », répond-il avec assurance, un léger sourire flottant sur ses lèvres.
— « Comment ça ? », je rétorque, sceptique.
Je baisse les yeux sur ma montre. Il est 16h pile. Une heure. J’ai réellement passé une heure ici, mais c’est comme si le temps m’avait échappé. Incroyable. Je n’ai rien senti, aucune émotion particulière. Et pourtant, je n’ai pas vu le temps filer.
Il se dirige vers son bureau, s’assied et pianote quelques notes sur son clavier, concentré.
— « Pour le deuxième rendez-vous, jeudi à 15h, ça vous convient ? » demande-t-il sans lever les yeux.
— « Oui, c’est parfait », dis-je en me levant.
Il m’accompagne jusqu’à la porte. Une autre cliente attend dans la salle d’attente. Elle se redresse dès que je passe à côté d’elle. Je ne peux m’empêcher de jeter un coup d’œil. Une minijupe, ridiculement courte, qui dévoile presque tout. Si courte, en fait, que sa culotte blanche laisse deviner son anatomie intime. Trop osé, à mon goût. Je détourne les yeux. Après tout, chacun fait ce qu’il veut, non ?
******
— « Alors ? » demande Hélène, en croisant les bras, son expression mi-curieuse, mi-sceptique.
Je prends une bouffée de ma cigarette, laissant la fumée s’échapper lentement avant de répondre.
— « J’avoue, j’étais sceptique. Mais ça m’a fait du bien. »
Elle arque un sourcil, amusée, ses lèvres étirées dans ce sourire moqueur qui me donne toujours l’impression qu’elle sait mieux que moi.
— « Sérieusement ? Tu dis que ça t’a fait du bien, et tu fumes encore ? »
Je hausse les épaules, un peu gênée, en tapotant la cendre au bord du cendrier.
— « C’était juste la première séance. Je continue, c’est sûr. J’ai trop envie d’arrêter ces conneries. »
D’un geste brusque, j’écrase ma cigarette à peine entamée. La braise s’éteint, étouffée, et je ressens une petite pointe de fierté, discrète, mais bien là.
Hélène me regarde en silence, puis acquiesce lentement, comme si elle réfléchissait à mes mots.
— « Tu as raison », dit-elle enfin, avec cette franchise désarmante qui la caractérise.
Elle attrape son verre de vin posé sur la table et le lève vers moi.
— « On trinque ? À ton futur sans clopes. »
Je souris, et nos verres s’entrechoquent doucement, le tintement résonnant dans le bar comme un pacte silencieux.
******
Dans mon grand placard ouvert, je fouille les cintres à la recherche d’une tenue appropriée pour ma séance d’hypnose. Je tombe sur mes joggings. Pas très féminin, je dois l’admettre. Pourtant, il a bien insisté sur le fait que je me sente à l’aise. Rien ne m’empêche d’ajouter une petite touche sexy sous ce look décontracté. Ma lingerie en dentelle vert pomme, ma préférée, me fait de l’œil. Parfaite. Et hop, le jogging par-dessus, ni vu ni connu. J’enfile mes baskets, attrape mon sac assorti, et voilà. Prête pour l’éradication de la cigarette.
******
— « Prenez place, Madame... 3, 2, 1. »
Sa voix grave résonne doucement, et le monde s’efface.
— « La séance est terminée, vous pouvez ouvrir les yeux. »
Je cligne des paupières, comme tirée d’un rêve étrange. Tout est calme, apaisant. Je suis toujours dans cette pièce de relaxation. La lumière, diffuse et douce, augmente progressivement, accompagnant mon retour à la réalité. Les rideaux, eux aussi, s’ouvrent lentement, laissant entrer un filet de lumière naturelle. Je prends une grande inspiration, encore un peu flottante, avant de me lever.
La pièce possède deux portes. L’une mène à son bureau, l’autre reste un mystère. Je choisis celle que je connais et rejoins l’hypnotiseur dans son espace de travail.
— « Combien de séances me faudra-t-il ? » demandé-je, un brin impatiente.
Il réfléchit un instant, son regard posé sur son écran, puis répond calmement :
— « En général, dix séances suffisent. »
Je fronce légèrement les sourcils. Dix ? Je pensais qu’il n’en faudrait que quelques-unes.
— « Je remarque que vous êtes un peu plus réfractaire au principe que la plupart de mes clients », ajoute-t-il en haussant légèrement les épaules, comme s’il anticipait ma réaction.
Je prends tout de même rendez-vous pour la prochaine séance. Une nouvelle chance d’avancer. De retour dans la salle d’attente, je remarque un détail qui me frappe.
— « Tiens, vous avez changé le tableau », dis-je en désignant l’une des œuvres accrochées au mur.
Il se retourne, un sourire discret sur les lèvres.
— « Oui, je les change régulièrement. Ce sont des photographies. »
Je m’approche pour mieux observer.
— « Oh oui. J’aime beaucoup celui-ci », dis-je en désignant une photographie en noir et blanc. Les courbes des cuisses de deux femmes s’entrelacent, leurs corps nus subtilement éclairés par un jeu d’ombres et de lumière. Le contraste est saisissant. Ensemble, elles forment une parfaite harmonie, une représentation subtile du Ying et du Yang.
— « Ah, le Ying et le Yang », répond-il, d’un ton presque affectueux. « C’est l’un de mes préférés aussi. »
Je hoche la tête. Une atmosphère paisible émane de cette photo, comme si elle était en harmonie avec l’objectif de ce lieu. Notre conversation est interrompue par l’arrivée d’une nouvelle cliente. Elle entre d’un pas assuré, et son regard glisse brièvement vers moi avant de s’attarder sur l’hypnotiseur.
— « Bien, Madame. À jeudi prochain », dit-il en m’accompagnant poliment jusqu’à la porte.
Je sors, le tableau encore en tête, me demandant si je finirai, moi aussi, par trouver cet équilibre tant recherché. J’acquiesçai et prie la sortie, en remarquant que cette femme portait aussi une minijupe très aguicheuse. Mais c’est son visage qui me frappe : son maquillage est travaillé avec soin, comme celui d’un mannequin prêt à monter sur un podium. Un rouge à lèvres écarlate, appliqué avec une précision presque intimidante, souligne sa bouche pulpeuse.
Un instant, je m’interroge sur son histoire. Que vient-elle chercher ici, sous ses airs apprêtés et son apparente confiance ? Puis je chasse cette pensée d’un mouvement rapide et pousse la porte.
******
Comme tous les jeudis, je retrouve Hélène pour notre rituel café-papotage. Le serveur connaît déjà nos habitudes et nous installe à notre table habituelle, en terrasse, avec deux cappuccinos fumants posés devant nous.
— « Alors, raconte. Comment ça s’est passé cette fois ? » me demande-t-elle en croisant les jambes et en se penchant légèrement vers moi, curieuse comme toujours.
— « Très bien. Je me sens bien », dis-je en haussant les épaules. Un sourire discret se glisse sur mes lèvres, mais je n’en dis pas plus.
— « Tu vois ? Je te l’avais dit ! » Elle sourit, triomphante, comme si mon bien-être était sa victoire personnelle.
Je fais tourner ma tasse entre mes doigts, hésitante. Une cigarette à la main, j’allume lentement et tire une première bouffée avant de reprendre :
— « Par contre… je fume encore. »
Elle secoue la tête avec indulgence, son sourire toujours accroché à son visage.
— « T’inquiète. Ça viendra. Il faut un peu de temps, c’est normal. »
— « Oui, tu as sûrement raison », dis-je, même si une petite frustration me pique encore.
Un silence s’installe brièvement, seulement interrompu par le bruit des conversations autour de nous. Finalement, je lâche ce qui me trotte dans la tête :
— « Mais… c’est quand même bizarre. »
Elle arque un sourcil et s’appuie sur le dossier de sa chaise.
— « Qu’est-ce qui est bizarre ? »
Je fixe le bout incandescent de ma cigarette, cherchant mes mots.
— « Je ne me rappelle de rien. J’ai une heure de blackout complet pendant les séances. C’est flippant, non ? »
Elle penche la tête sur le côté, réfléchissant à ce que je viens de dire.
— « Moi aussi, ça m’a fait ça au début », répond-elle, d’un ton presque distrait, comme si c’était une évidence.
— « Ouais, mais … », ajouté-je, en tirant une dernière fois sur ma cigarette avant de l’écraser dans le cendrier. « J’ai eu des flashs lumineux. »
Elle plisse les yeux, visiblement intriguée.
— « Des flashs lumineux ? Non, ça, je n’ai jamais eu. Ça ne me dit rien du tout. »
Son ton est sérieux, et son expression, un peu plus attentive. Elle prend une gorgée de son café sans me quitter des yeux, comme si elle cherchait une explication dans mes paroles.
Nous terminons tranquillement nos verres, chacune plongée dans ses pensées. Finalement, nous nous levons et nous disons au revoir. Une bise sur chaque joue, et je la regarde s’éloigner, son sac à l’épaule, en me demandant si ces flashs signifient quelque chose ou si ce n’est qu’un effet étrange de l’hypnose.
******
Le soir, allongée dans mon lit, je ferme les yeux. Immédiatement, des flashs de lumière traversent l’obscurité derrière mes paupières. Des éclats rapides, vifs, presque hypnotiques. Pourtant, malgré cette étrange sensation, je glisse rapidement dans le sommeil.
Les jours passent, mais ces flashs persistent, comme une signature étrange laissée après chaque séance d’hypnose. Leur présence me trouble, même si je commence à m’y habituer. Hélène, inquiète et curieuse, a fait quelques recherches. Elle a parlé à un de ses amis qui s’y connaît en hypnose. Selon lui, ce phénomène n’est pas normal. D’ailleurs, nous devons nous retrouver ce soir après mon travail pour discuter.
******
Hélène m’attend déjà au café habituel, un sourire chaleureux sur les lèvres. À ses côtés, un homme que je ne connais pas.
— « Hello », dis-je en posant mon sac sur la chaise libre.
— « Bonjour ma belle. Je te présente Christian », répond Hélène avec entrain.
Je tends la main.
— « Bonjour », dis-je poliment, tout en observant rapidement cet homme d’une quarantaine d’années, au look décontracté mais soigné.
— « Bonjour », répond-il d’une voix calme, presque douce. Hélène prend les devants :
— « Tu sais, c’est mon amie qui fait de l’auto-hypnose. »
Il hoche la tête en me regardant avec un intérêt professionnel.
— « Oui, Hélène m’a parlé de vous. Et de ces flashs… Ce n’est pas courant comme effets secondaires. »
Je hausse les épaules, un sourire un peu crispé sur le visage.
— « Oui, ça m’a surprise au début, mais je commence à m’y faire. »
Il s’appuie contre le dossier de sa chaise, l’air pensif.
— « Et comment se passent vos séances, en général ? »
— « Bien », dis-je avec un sourire sincère. « J’ai même arrêté de fumer. »
— « Bravo », dit-il, en applaudissant doucement. « C’est une belle réussite. Mais… quel est le processus que votre hypnotiseur utilise ? »
Je commence à lui expliquer en détail comment chaque séance se déroule. Je parle de la pièce immaculée, des lumières tamisées, de sa voix grave qui m’accompagne dans cette étrange sensation d’oubli total. Pendant que je parle, je remarque un froncement sur son front, une expression de perplexité qui grandit peu à peu.
Quand je termine, il me pose une question qui me surprend :
— « Vous gardez les yeux fermés pendant toute la séance ? »
— « Oui, toujours. »
Il reste silencieux quelques secondes, ses doigts jouant avec le bord de son verre. Puis il reprend, son ton plus grave :
— « C’est… étrange. Pour arrêter de fumer, il n’y a pas besoin d’entrer dans un protocole aussi profond. »
— « Qu’est-ce que vous voulez dire ? »
Il se penche légèrement vers moi, baissant un peu la voix.
— « Il existe plusieurs niveaux de conscience sous hypnose. Six, pour être précis. »
Je le fixe, intriguée.
— « Six ? Quels sont ces niveaux ? »
Il s’installe un peu plus confortablement, son ton devenant plus didactique.
— « Le premier niveau est suffisant pour gérer des addictions, comme l’arrêt du tabac. C’est un état léger, proche de la relaxation. »
Il fait une pause, cherchant visiblement les bons mots.
— « Les niveaux deux et trois peuvent être utilisés si le patient est plus réfractaire ou si l’addiction est ancrée profondément. Ils permettent de travailler sur des blocages inconscients. Les niveaux quatre, quant à lui, sont utilisés pour des pathologies plus complexes, comme des traumatismes ou des troubles émotionnels. »
Je l’écoute attentivement, mais mon estomac se noue quand je vois son visage s’assombrir légèrement.
— « Et les niveaux cinq et six ? » insisté-je, ma voix plus basse, presque nerveuse.
Il marque une pause. Ses doigts se figent sur le bord de son verre, et il me fixe, l’air sérieux.
— « Ces niveaux-là permettent un contrôle total. »
— « Contrôle total ? » répété-je, ma gorge se serrant alors qu’une boule d’inquiétude grandit dans mon ventre.
Il hoche lentement la tête, choisissant ses mots avec soin.
— « Oui. À ce stade, la personne est dans un état de soumission totale. On peut lui suggérer n’importe quoi, et elle l’exécute, sans même s’en rendre compte. »
Un frisson me parcourt l’échine, et je déglutis difficilement.
— « Et moi, je suis à quel niveau ? » demandé-je, le souffle court.
Il inspire profondément, comme s’il pesait la gravité de ses propos.
— « D’après ce que tu décris… J’ai l’impression que tu es au niveau cinq. Peut-être six. Mais je ne peux pas en être sûr sans assister à une de tes séances. »
— « Le niveau six… » murmuré-je, presque pour moi-même.
Il hoche la tête, le visage grave.
— « C’est une hypothèse, rien de certain », ajoute-t-il rapidement, comme pour minimiser l’impact de ses mots.
Je reste figée, incapable de bouger, le cœur battant à tout rompre. L’idée que je puisse être manipulée, sans même m’en rendre compte, me glace. Mon esprit s’emballe, cherchant des réponses ou des explications, mais aucune ne vient. Je n’ose pas poser davantage de questions. Que pourrais-je dire, de toute façon ? Un silence lourd s’installe entre nous, épais, presque oppressant. Christian, lui, semble plongé dans ses propres pensées, ses yeux fixés sur son verre à moitié vide.
On termine nos boissons mécaniquement, sans vraiment parler, comme si la conversation avait aspiré toute légèreté de la soirée. Je me lève pour partir, encore sous le choc de ce que je viens d’apprendre. Mon esprit tourne en boucle : ces niveaux d’hypnose, ce « contrôle total », ces flashs que je vois… Tout cela me semble soudain si irréel, et pourtant si proche.
Je me lève pour partir, encore perdue dans mes pensées. Hélène m’accompagne jusqu’au bord du trottoir, ses talons claquant doucement sur le pavé. Elle me prend par les épaules, son geste ferme, mais réconfortant, puis m’embrasse sur les deux joues.
— « Fais attention à toi », dit-elle doucement, presque en murmure, comme une mise en garde.
Je hoche la tête, incapable de répondre, puis je m’éloigne dans la nuit, mes pensées toujours prisonnières de cette conversation dérangeante.
Le soir venu, les révélations de l’ami d’Hélène continuent de tourner en boucle dans ma tête. Je me retourne dans mon lit, incapable de trouver le sommeil. Le mot « contrôle total » revient sans cesse, résonnant comme un écho impossible à ignorer. Ces flashs… qu’est-ce que c’est, au juste ? Une anomalie ? Un effet secondaire de l’hypnose ? Ou autre chose ?
Je ferme les yeux, espérant chasser ces pensées, mais elles s’accrochent, têtues, et m’entraînent dans un puits d’interrogations sans fin.
******
Le lendemain, j’arrive au cabinet, l’esprit encore embrouillé par mes interrogations. La nuit m’a semblé interminable, mes pensées s’accrochant obstinément aux flashs, à cette sensation de trou noir, et aux mots de Christian. Cette fois, je suis décidée à agir. J’ai chargé mon téléphone à bloc. J’ai besoin de savoir ce qui se passe pendant ces séances.
— « Bonjour, Madame », dit-il en m’accueillant comme d’habitude, sa voix toujours calme, presque neutre.
— « Bonjour », répondis-je avec un sourire automatique, mon ton plus hésitant que je ne le voudrais.
Je le suis dans l’antichambre, mes pas légèrement plus lourds que d’habitude. Une boule d’angoisse se loge dans mon ventre, plus oppressante à chaque instant. Alors qu’il ajuste la lumière, ses gestes précis et presque rituels, je sens mes mains devenir moites.
D’un geste discret, je plonge ma main dans mon sac, là où se trouve téléphone. Je m’assure que le son est bien coupé, mes doigts tremblants légèrement. Une pression sur l’écran. Je démarre l’enregistrement. Le cœur battant, je le glisse rapidement dans la poche intérieure de mon sac.
Je me redresse, tâchant de paraître normale. Mon visage affiche une façade calme, mais à l’intérieur, mon esprit crie : je dois savoir.
La séance commence comme à l’accoutumée. Je m’installe dans le fauteuil, et la lumière tamisée m’enveloppe. Sa voix grave résonne doucement, comme une mélodie qui m’apaise presque instantanément. Ses mots s’effacent peu à peu dans mon esprit, comme un brouillard qui m’engloutit. Et, une fois encore, c’est le trou noir.
Quand j’ouvre les yeux, je suis de retour dans cette pièce immaculée, encore un peu flottante, mais étrangement sereine. Je me sens bien. Comme d’habitude. Mon corps est léger, mon esprit apaisé. Alors pourquoi cette inquiétude persiste-t-elle ?
Je récupère mon sac en partant, le téléphone toujours en mode enregistrement, et je sors du cabinet. Une partie de moi veut croire que tout cela n’est qu’un fantasme, que ces flashs et ces doutes n’ont aucun fondement. Mais une autre partie refuse d’ignorer ce qui me trouble.
Sur le trottoir, je m’arrête un instant et serre mon sac contre moi. Est-ce que l’enregistrement répondra à mes questions ? Ou bien soulèvera-t-il d’autres mystères ?
Distrait(e) par le flot de la vie quotidienne, j’ai complètement oublié l’enregistrement. Les jours se succèdent, remplis d’obligations, de routines et de moments volés à mes pensées. L’agitation permanente me permet d’éloigner, temporairement, ce doute persistant. Mais, au fond de moi, l’oubli n’est qu’un répit fragile.
******
Quelques jours plus tard, je retrouve Hélène, fidèle à notre rendez-vous hebdomadaire. Cette fois, son ami Christian est également présent. Ils sont installés à une table en terrasse, déjà plongés dans une discussion animée. Hélène agite une main en me voyant arriver, un sourire chaleureux illuminant son visage.
— « Ah, te voilà ! » lance-t-elle, en me faisant signe de m’asseoir à côté d’elle.
Christian incline légèrement la tête en guise de salut, toujours calme et mesuré.
— « Bonjour », dit-il, sa voix posée, presque neutre, mais teintée d’une légère curiosité. Après un court silence, il ajoute :
— « Je me suis renseigné sur ton hypnotiseur. Il est aussi artiste. »
Je relève les yeux, intriguée.
— « Un artiste ? »
— « Oui, il fait de la photographie. »
Je fronce légèrement les sourcils, surprise.
— « C’est vrai que les murs de son cabinet sont remplis de tableaux. Je pensais que c’était de la peinture. »
— « Non, c’est de la photo. Du charme, de la lingerie… et du nu, » précise-t-il, en sortant son téléphone de sa poche. « Regarde. »
Il me tend son écran, ouvert sur le site internet du fameux hypnotiseur. Je fais défiler les clichés, et une vague de reconnaissance me frappe. Je reconnais certaines des photos qui ornaient les murs de la salle d’attente. Des courbes élégantes, des jeux de lumière subtils… et puis, mon souffle se bloque un instant.
Une image attire mon attention : une femme en minijupe noire, si courte que son slip blanc aux bordures violettes est clairement visible. Mon esprit fait immédiatement le lien. C’est elle, la femme que j’ai aperçue lors de mon premier rendez-vous. Comment oublier cette tenue ? Sa jupe était tellement rikiki que j’avais eu du mal à ne pas la remarquer.
Je repose le téléphone de Christian sur la table, légèrement troublée.
— « Alors, elle est aussi modèle pour lui », murmuré-je presque pour moi-même, sans cacher ma surprise.
Il se fait tard. Je me redresse sur ma chaise, un peu mal à l’aise, mon esprit jonglant entre ce que je viens d’apprendre et les flashs que je ressens après chaque séance. Y a-t-il un lien ? Cette femme a-t-elle aussi vécu ces sensations étranges ?
Je termine rapidement mon verre, la tête ailleurs. Je salue Hélène et Christian, leur lançant un sourire automatique, puis je reprends le chemin de mon appartement.
Sur le trottoir, mes pensées s’embrouillent, tourbillonnant dans ma tête comme des feuilles emportées par le vent. L’image de cette femme en jupe noire s’accroche à mon esprit, insistante, presque obsédante. Chaque détail de la photo, de sa posture calculée à son slip blanc bordé de violet, s’impose à moi avec une clarté dérangeante.
Je ne peux m’empêcher de me demander : tout cela n’est-il qu’une simple coïncidence ? Où y a-t-il quelque chose de plus sombre, de plus inquiétant, qui se cache derrière ces séances d’hypnose ? Ces flashs lumineux, ces trous noirs, ces photos exposées sur les murs… Et si tout cela était lié ?
Je frissonne malgré moi. Une part de moi veut balayer ces doutes, se convaincre que je me fais des idées, mais une autre part refuse de les ignorer. Une autre part, plus méfiante, plus inquiète, chuchote qu’il y a peut-être quelque chose que je ne veux pas voir.
******
Aujourd’hui, j’ai un nouveau rendez-vous. Debout devant ma garde-robe, je fais glisser les cintres d’un geste distrait, mon esprit déjà accaparé par ce qui m’attend. Mon regard s’arrête sur une jupe noire. Trop courte, je me dis. J’ai passé l’âge de porter ce genre de vêtements… et pourtant, l’idée ne me déplaît pas.
Pourquoi pas ? Après tout, personne n’a à me juger.
J’attrape un t-shirt simple et l’enfile à la hâte, son tissu glissant contre ma peau encore légèrement humide de ma douche. Il faut que je me dépêche, je suis déjà presque en retard.
Me voilà installée dans le fauteuil, les lumières tamisées m’enveloppant comme une couverture. La séance débute. Toujours ce même rituel : sa voix calme, le décompte… « 4, 3, 2, 1. » Puis, comme à chaque fois, le trou noir.
Quand je me « réveille », je suis de retour dans la salle de relaxation. Tout semble normal, mais une étrange sensation persiste, comme si quelque chose m’échappait. Je traverse le couloir pour rejoindre la salle d’attente.
Il est au téléphone, sa voix basse résonne légèrement derrière moi. Je le salue d’un « au revoir », mais il ne répond pas. Pas un mot, juste un vague geste de la main.
Dans la salle d’attente, mon regard s’arrête net. C’est là que je la vois. Elle.
La femme en minijupe. Toujours aussi courte, dévoilant cette fois une paire de jambes croisées. Elle est assise dans un coin de la salle d’attente, absorbée par son téléphone. Mon esprit s’emballe immédiatement, cherchant à connecter les points. Je m’approche doucement, m’arrêtant à une distance raisonnable. Elle lève à peine les yeux.
Je prends mon courage à deux mains, malgré le nœud qui se serre dans mon estomac. Je m’approche d’elle, tâchant de contrôler ma nervosité.
— « Bonjour. Vous prenez encore des photos avec Monsieur Martin ? » demandé-je, en essayant d’adopter un ton léger, presque détaché.
Elle relève la tête, lentement, surprise par ma question. Ses sourcils se froncent légèrement, et son regard cherche à comprendre où je veux en venir.
— « Des photos ? » répète-t-elle, comme si le mot lui était étranger.
— « Oui… J’ai cru voir une photo de vous sur un site », insisté-je, mes mots s’étirant un peu trop, ma voix vacillante entre assurance et hésitation.
Elle secoue doucement la tête, un sourire gêné flottant sur ses lèvres impeccablement peintes.
— « Ah non, vous faites erreur. Je ne vois pas de quoi vous parlez », dit-elle, d’un ton poli, mais distant.
Je recule légèrement, la gorge soudainement serrée.
— « Ok… désolée, j’ai dû confondre », murmuré-je, presque pour moi-même.
Je quitte le cabinet, mais une étrange sensation m’accompagne. C’était elle, j’en suis certaine. Cette minijupe, son attitude, ce visage… Tout correspond. Et pourtant, il y avait quelque chose dans son regard. Une sincérité désarmante, comme si elle n’avait jamais entendu parler de ces photos. Comme si elle ignorait tout. Comme si elle était… inconsciente. Cette pensée me hante alors que je descends la rue. Mes pas sont rapides, mais mon esprit reste embrouillé. Pourquoi nier ? Que cache-t-elle ?
Quand je rejoins Hélène, elle est assise seule à la terrasse de notre café habituel. Une légère brise fait onduler ses cheveux, et son sourire s’élargit en me voyant arriver.
— « Où est ton ami ? » demandé-je en déposant mon sac sur la chaise en face d’elle.
Elle plisse les yeux, un sourire amusé aux lèvres.
— « Dis donc, tu es bien sexy aujourd’hui », dit-elle en m’observant de haut en bas.
Je fronce les sourcils, interloquée.
— « Comment ça ? »
Elle arque un sourcil, son ton toujours teinté d’un mélange d’amusement et de surprise.
— « Tu ne portes pas de soutien-gorge. Tes tétons pointent, et ta jupe… Disons qu’elle est un peu courte.
Ses paroles me frappent comme un coup de poing. Mon visage s’échauffe, et je baisse instinctivement les yeux sur ma tenue. Elle a raison. Ce n’est pas mon genre. Ce n’est jamais mon genre.
Je porte toujours un soutien-gorge. Toujours. Alors pourquoi… pourquoi aujourd’hui ? Mon esprit vacille, cherchant une réponse logique. Et là, je réalise. Ils sont en totale liberté. Mon t-shirt, moulant, épouse parfaitement ma poitrine, la mettant en évidence de manière presque provocante. Je n’avais pas remarqué à quel point mes tétons étaient visibles, durcis, presque comme s’ils voulaient attirer l’attention.
Et cette jupe… Mon Dieu, cette jupe. Si courte qu’en me penchant, je devrais presque craindre de dévoiler l’intimité que je protège habituellement avec tant de soin. Ce n’est pas moi. Ce n’est pas ce que je fais.
Je me redresse, gêné sous son regard, mais incapable de trouver les mots pour répondre.
— « Tu vas bien ? » demande Hélène, son ton cette fois plus doux, presque inquiet.
Je force un sourire, mais mes pensées tourbillonnent. Je ne sais pas quoi dire. Je ne sais pas quoi penser. Pourquoi ai-je choisi ces vêtements ? Pourquoi ne m’en suis-je pas rendu compte avant ?
Perturbée, je lève les yeux vers Hélène, qui me fixe avec une expression à mi-chemin entre l’amusement et l’inquiétude. Je prends une grande inspiration, essayant de retrouver un semblant de calme, mais mes pensées s’emballent.
— « Il faut que je file », dis-je précipitamment, sans lui laisser le temps de réagir.
Je me lève d’un bond, attrape mon sac et ajoute :
— « Je t’appelle ce soir. »
Avant qu’elle ne puisse dire quoi que ce soit, je suis déjà en train de m’éloigner, mes pas rapides résonnant sur le trottoir.
******
Le soir, allongée dans mon lit, je fixe le plafond, incapable de trouver le sommeil. Mon esprit s’emballe, les questions tournant en boucle. Pourquoi ai-je porté cette tenue aujourd’hui ? Cette minijupe est trop courte, et surtout… je suis sortie sans soutien-gorge, mes seins sont presque exposés sous ce t-shirt moulant. Ce n’est pas moi. Ce n’est jamais moi.
Je me repasse la journée, cherchant un déclic, une raison. Cette tenue me ramène à cette conversation troublante dans la salle d’attente. Elle. Cette femme en minijupe, son regard surpris lorsque je lui ai parlé de la photo. Elle avait l’air sincère. Étonnée, même. Presque désarmée…
Et pourtant, quelque chose me chiffonne. Puis, soudain, un souvenir me frappe : l’enregistrement. Celui que j’ai réalisé en cachette lors de ma dernière séance. Je ne l’ai jamais écouté. Pourquoi ? Maintenant que j’y pense, c’est le moment idéal.
Je prends mon smartphone, l’écran illuminant brièvement la pièce sombre. Je fouille parmi mes fichiers, cherchant dans un dossier le fichier vocal. Je mets mes écouteurs pour mieux entendre, car l’enregistrement est un peu faible, le téléphone ayant été loin de la scène. Je lance le fichier et colle mon oreille à l’écouteur. Mon cœur bat de plus en plus vite.
Le début est sans surprise : sa voix calme, posée, décrivant le processus habituel de la séance. Il commence par son décompte habituel… « 4, 3, 2, 1 ». Je l’entends me guider dans une relaxation profonde, m’encourageant à lâcher prise.
Puis, soudain, il dit :
— « Levez-vous et suivez-moi. »
Je me fige. Levez-vous ? Suivez-moi ? Mon souffle s’accélère. Je ne me souviens pas de m’être levée.
La lecture continue. On entend des bruits de pas étouffés. Des pas ? Les miens ? Les siens ? Et puis… une porte qui s’ouvre. L’atmosphère change légèrement, le son devient plus étouffé. Il semble qu’il m’ait emmenée dans l’autre pièce, celle où la porte est toujours close. Celle que je n’ai jamais vue. Pourquoi ?
Je tends l’oreille, mais le reste est presque inaudible. Trop loin. Juste des murmures, des bruits indistincts, comme s’il se passait quelque chose hors de portée de l’enregistrement.
Puis, au bout d’un long moment, le son change à nouveau. Des pas. Je retourne à ma chaise. Sa voix redevient claire.
— « Fermez les yeux. Restez comme ça. »
Il marque une pause, puis reprend d’un ton plus ferme :
— « Vous allez oublier tout ce que vous avez vu et entendu et fait, du début de la séance jusqu’à maintenant, lorsque je claquerai des doigts une fois. »
Quelques secondes de silence puis.
— « Maintenant, vous allez arrêter de fumer », poursuit-il. « Au claquement de mes doigts deux fois, vous vous réveillerez dans une bonne humeur et remplie de bonheur. »
Le son du claquement résonne dans mes écouteurs. Une fois. Puis deux.
Je coupe brutalement l’enregistrement, mon cœur battant à tout rompre. Mes mains tremblent légèrement tandis que je repose le téléphone sur ma table de chevet. Fermer les yeux ? Mais pourquoi dit-il ça ? Mes yeux étaient ouverts ? Je passe une main sur mon front, mon esprit en ébullition. Pourquoi je ne me souviens de rien ? Pourquoi m’a-t-il demandé de le suivre ? Et surtout… Qu’y a-t-il dans cette autre pièce ?
Dans un élan presque instinctif, je saisis mon téléphone posé sur la table de chevet et envoie rapidement un message à Hélène :
« Retrouve-moi demain au café à 11h. Viens avec ton ami. C’est important. »
Je fixe l’écran un moment, attendant de voir les trois petits points indiquant qu’elle répond, mais rien ne vient. Elle doit déjà dormir. Je repose le téléphone, mais cette action ne calme en rien la tempête dans mon esprit.
J’essaie de me raisonner, de repousser ces pensées qui s’accrochent à moi comme des ombres récalcitrantes. Et si ce n’était rien ? Et si je m’étais juste monté la tête ? Mais non. Ce n’est pas rien. Je le sens. Malgré cette lutte intérieure, mon corps finit par céder, épuisé. Le sommeil m’a rattrapée, me plongeant dans une obscurité bienveillante, mais provisoire.
******
Je retrouve Hélène et son ami Christian au café, comme prévu. Ils sont déjà installés, et Hélène m’accueille inquiète, tandis que Christian me salue d’un hochement de tête. Son regard curieux de savoir pourquoi j’ai insisté pour qu’il soit là.
À peine mes affaires posées, je leur lance :
— « J’ai quelque chose à vous faire écouter. »
Hélène me fixe avec des yeux ronds, intrigués.
— « Écouter quoi ? » demande-t-elle en s’adossant à sa chaise.
Je sors mon téléphone de mon sac et le pose sur la table. Mon cœur bat un peu plus vite alors que je cherche le fichier audio. Mes doigts hésitent une seconde avant d’appuyer sur "lecture".
— « C’est l’enregistrement de ma dernière séance », dis-je, ma voix plus basse, presque un murmure.
Un silence lourd s’installe autour de la table alors que les premières secondes du fichier résonnent. La voix calme de l’hypnotiseur emplit l’air :
— « Bien, fermez les yeux. Respirez profondément… 4… 3… 2… 1. »
Christian incline la tête, son expression se faisant plus sérieuse. Hélène, elle, reste immobile, attentive, son regard passant de l’écran du téléphone à mon visage.
Au bout d’un moment, on entend sa voix à nouveau :
— « Levez-vous et suivez-moi. »
— « Levez-vous ? » répète Christian, fronçant les sourcils.
Je hoche la tête en silence, mes doigts crispés sur mon verre.
L’enregistrement continue. Des bruits de pas, étouffés, résonnent faiblement. Puis, un grincement. Une porte qui s’ouvre. Le son devient plus feutré, comme si l’action s’était déplacée dans une autre pièce. La voix de l’hypnotiseur disparaît presque complètement, remplacée par des murmures inaudibles.
Hélène se redresse sur sa chaise, visiblement mal à l’aise.
— « C’est… dans cette pièce fermée, non ? » souffle-t-elle.
— « Oui », dis-je, la voix tremblante.
Christian lève une main, demandant le silence. Il se penche un peu plus près du téléphone, tendant l’oreille. On reste ainsi quelques secondes, suspendus aux sons faibles et mystérieux qui s’échappent de l’enregistrement. Puis, finalement, la voix de l’hypnotiseur revient, claire et nette :
— « Fermez les yeux. Restez comme ça. Vous allez tout oublier de ce que vous avez vu et entendu, du début de la séance jusqu’à maintenant, quand je claquerai des doigts une fois. Maintenant, vous allez arrêter de fumer. Au claquement de mes doigts deux fois, vous vous réveillerez dans une bonne humeur et plein de bonheur. »
Un claquement résonne, suivi d’un autre.
Je stoppe l’enregistrement, le silence de l’instant devenant presque assourdissant.
Christian s’appuie lentement contre le dossier de sa chaise, ses doigts tapotant nerveusement le bord de la table. Hélène, quant à elle, a les yeux grands ouverts, comme si elle peinait à croire ce qu’elle venait d’entendre.
— « Il te fait tout oublier… » souffle-t-elle, la voix tremblante.
Je hoche la tête, mon regard plongé dans le sien.
— « Et cette autre pièce… Qu’est-ce qu’il y a là-bas ? Pourquoi m’emmène-t-il là ? »
Christian croise les bras, pensif.
— « Ce n’est pas une pratique normale pour une simple hypnose liée à l’arrêt de la cigarette », dit-il, son ton plus grave que je ne l’ai jamais entendu. « Ce que tu décris ressemble davantage à un protocole avancé. Et ce qu’il te fait oublier… ça pose question. »
— « Alors qu’est-ce que je fais ? » demandé-je, la gorge nouée.
Il réfléchit un moment, puis se penche vers moi.
— « Il y a une solution. Si tu veux vraiment comprendre ce qui se passe, tu vas devoir contourner ses suggestions. Je peux t’apprendre à utiliser l’auto-hypnose pour capter ce que tes yeux voient, sans qu’il s’en rende compte. »
— « Tu peux m’apprendre ça ? »
Il acquiesce.
— « Ce n’est pas facile, mais c’est faisable. Il faudra t’entraîner tous les jours. Tu dois être prête pour la prochaine séance. »
Je jette un regard à Hélène, qui hoche timidement la tête, comme pour m’encourager.
— « D’accord. Je veux savoir », dis-je, ma voix plus ferme.
Je m’entraîne chaque jour. Je suis les instructions de Christian à la lettre : m’installer dans un endroit calme, fermer les yeux, respirer profondément, et me concentrer sur une intention claire. Je répète mentalement ma suggestion : « Mon esprit capturera tout ce que mes yeux voient, et je m’en souviendrai. »
Les premiers jours, c’est difficile. Mes pensées vagabondent, et je lutte pour maintenir ma concentration. Mais, petit à petit, je sens que je progresse. Mon esprit devient plus réceptif, et mes visualisations sont plus claires.
Quand le jour de ma séance arrive, je me sens prête. Je respire profondément avant de franchir la porte du cabinet, mon cœur battant à la fois d’excitation et d’appréhension.
Cette fois, je saurai.
******
Je m’installe dans le fauteuil, et la séance commence. Sa voix grave et posée résonne doucement dans la pièce, s’insinuant dans chaque recoin de mon esprit. Peu à peu, je sens ma conscience vaciller, comme si elle se détachait lentement de mon corps. Je perds pied.
Mon esprit lutte, mais mon corps semble glisser hors de mon contrôle. Mes paupières s’entrouvrent, et je le vois. Mon hypnotiseur. Il est debout devant moi, ses lèvres bougent, il me parle, mais… je n’entends pas. Ou plutôt, je n’écoute pas. Mes oreilles captent sa voix, mais ses mots se dissolvent dans une brume, comme un écho lointain que je ne peux saisir.
Puis, soudain, il se lève. Et moi aussi.
Non. Je crie mentalement à mon esprit, à mes jambes, à mon corps tout entier : reste assis ! Ne bouge pas ! Mais rien n’y fait. Mes membres m’obéissent autant qu’un pantin répond à son marionnettiste.
Un frisson glacé me traverse. Je ne contrôle plus rien. Mon corps est à la merci de sa volonté, plus du mien.
Je le suis, incapable de résister, jusqu’à cette porte. La porte de l’autre pièce. Celle qui est toujours restée close, celle qui a hanté mes pensées. Il l’ouvre, et je le suis à l’intérieur.
Je pénètre dans l’inconnu, et l’espace me frappe. C’est un studio photo. Des projecteurs, des fonds noirs et blancs tendus sur des supports, des accessoires, des caméras soigneusement rangées. C’est ici qu’il prend ses photos. Mon esprit hurle. Non ! Non, ça ne peut pas être réel ! Mais mon corps reste impassible, obéissant aveuglément à ses instructions.
Je lui ordonne mentalement : arrête ! Ne bouge plus ! Refuse ! Mais rien. Absolument rien. Mes pieds avancent, mécaniques. Je me place au centre de la pièce, il attrape un appareil photo posé sur un trépied, et lève l’objectif vers moi. Je le vois ajuster les réglages, son expression concentrée, comme si tout cela était parfaitement normal. Et puis… le clic.
Il commence à me photographier.
Un dégoût profond me saisit. Non. Non, je n’ai pas donné mon autorisation. Je veux parler, mais aucun son ne sort de ma bouche. Je suis figée, incapable d’émettre un mot, comme si ma voix avait été arrachée avec le reste de ma volonté. Je suis muette. Prisonnière de mon propre corps.
Je lutte encore, désespérément. Je tente de secouer mes bras, mes jambes, de tourner la tête, de croiser son regard pour qu’il comprenne que je ne suis pas d’accord, mais rien ne répond. Je suis spectatrice, enfermée dans ce corps devenu étranger, tandis que le clic régulier de l’appareil résonne dans la pièce.
Pourquoi fait-il ça ? Pourquoi moi ? Que cherche-t-il à obtenir ?
Il me donne à nouveau des ordres. Oh mon Dieu. Je les exécute. Telle une automate. Sans broncher, sans résistance.
— Non ! crie une voix dans ma tête, mais elle reste enfermée quelque part, étouffée par cette volonté étrangère qui s’est emparée de mon corps.
Son prochain ordre me glace :
— « Enlevez votre chemisier. »
Mes mains se lèvent sans que je les contrôle. Je déboutonne lentement mon chemisier, un à un, jusqu’à ce qu’il glisse de mes épaules et tombe sur le sol. Un frisson me parcourt. Je n’ai pas de soutien-gorge. Mon buste est exposé, mon corps dévoilé, et ce, sans mon consentement.
Il me demande de poser. Et je pose. Mon corps obéit. Ma tête reste droite, mon dos se cambre légèrement, mes mains se positionnent exactement comme il le demande. Il tient son appareil photo, et les flashs crépitent. Le clic répétitif du déclencheur résonne dans la pièce.
Puis vient l’ordre suivant :
— « Enlevez votre jupe. »
Je sens mes doigts agripper le tissu léger de ma jupe, la faisant glisser lentement le long de mes jambes. Elle tombe au sol en un froissement à peine audible. Je le vois s’avancer, se pencher, ramasser la jupe, mais ses mains ne s’arrêtent pas là.
Non. Pas ça. Il retire mes bas. Puis ma culotte.
Ce n’est pas possible. Mes jambes restent immobiles, mes pensées cries de résister, de me défendre, mais mon corps refuse de répondre. Je suis piégée. Prisonnière. Une marionnette dont il tire les ficelles.
Il s’accroupit, son visage bien trop proche de mon intimité. Mon regard reste figé devant moi, incapable de suivre ce qu’il fait. Je ne vois rien, mais je devine. L’appareil photo cliquette encore. Il photographie… ça.
Puis il donne un nouvel ordre :
— « Écartez un peu les cuisses. »
Mes jambes obéissent, comme si elles lui appartenaient. Les flashs reprennent.
— « Avec vos mains, écartez vos lèvres », dit-il, d’une voix calme, comme si tout cela était banal.
Pourquoi ? Pourquoi j’obéis ?!
Je veux hurler. Je veux lui crier d’arrêter. Mais ma voix reste muette, mes pensées enfermées derrière un mur infranchissable. Mes mains se déplacent et obéissent à ses instructions, dévoilant des parties de moi que je ne montrerais à personne sans mon consentement.
Puis il me demande de me tourner. Je pivote. Je lui expose mon dos. Les flashs continuent.
— « Penchez-vous. »
Mon corps se plie lentement, obéissant toujours. Je sens mes fesses rondes se dévoiler davantage, offerte à son regard. Ses mains se posent sur moi. Il me touche. Il écarte mes fesses, me forçant à exposer encore plus mon intimité.
Il ne s’arrête pas là :
— « Saisissez vos fesses. Écartez-les. »
Mes mains obéissent encore, comme si elles n’étaient plus miennes. Je lui dévoile tout. Absolument tout.
Ma colère monte. Un feu rugit dans mon esprit, mais il reste enfermé, étouffé. Je veux le frapper. Lui hurler dessus. Je veux que mes mains saisissent son appareil photo et le fracassent contre le mur. Je veux lui enfoncer mon poing dans la gueule.
Mais rien. Rien. Je reste docile. Mon corps est un pantin qu’il manipule à sa guise. Je suis à sa merci.
Après une série de photos supplémentaires, il donne l’ordre de me rhabiller. Je remets mes vêtements, encore sous son contrôle. Puis je quitte cette pièce, retourne dans la salle de relaxation, et m’assois.
Mais la colère est toujours là.
Elle bout en moi, une lave brûlante qui ne demande qu’à exploser. Quand il me réveillera, je vais le frapper. Je vais lui hurler dessus, détruire cet appareil photo, exigé des explications. Il ne s’en sortira pas comme ça.
Sa voix m’interrompt :
— « Quand je compterai jusqu’à trois, vous vous réveillerez. Vous vous sentirez détendue, légère, et oublierez tout ce que vous avez vu, entendu et fait aujourd’hui. Trois… deux… un. »
Un claquement de doigts. Mes yeux s’ouvrent. Je souris. Mon esprit est calme, étrangement vide. Je me lève. Je prends un nouveau rendez-vous. Je sors de l’immeuble.
Et, comme à chaque fois, c’est comme si rien ne s’était passé.
******
Je retrouve Hélène et Christian au café, comme prévu. À peine me suis-je assise que Christian plonge son regard dans le mien, l’air sérieux.
— « Alors, qu’est-ce qui s’est passé ? » demande-t-il, presque à voix basse, comme s’il craignait que quelqu’un nous entende.
Je détourne les yeux, mal à l’aise.
— « Je ne sais pas », murmuré-je.
Il fronce les sourcils, visiblement perplexes.
— « Comment ça, tu ne sais pas ? »
Je lâche un soupir frustré.
— « Je ne m’en rappelle pas. Rien. C’est… comme si tout avait disparu de ma mémoire. »
Il claque la langue, un peu agacée.
— « Ah, bien sûr. Suis-je bête », dit-il en secouant la tête. « J’aurais dû te donner une phrase supplémentaire dans ton auto-hypnose. »
— « Comment ça ? » demandé-je, intriguée, mais aussi légèrement agacée qu’il ne me l’ait pas dit avant.
Il attrape un stylo dans la poche intérieure de sa veste et commence à gribouiller sur un bout de papier.
— « Dans ton auto-hypnose, je t’ai simplement suggéré de voir et de capturer ce que tes yeux voient. Mais j’aurais aussi dû ajouter une commande pour que tu ne puisses pas oublier ce que tu as vu ou entendu, même si on te donne un ordre. »
Il finit d’écrire et me tend le papier. J’y lis la phrase qu’il a inscrite :
« Après chaque séance d’hypnose, je garderai en mémoire tout ce que j’ai vu, fait et entendu, même si je reçois un ordre d’oubli ou d’effacement. Mon ordre est plus puissant que toute suggestion de suppression. »
Je relis plusieurs fois la phrase, m’imprégnant de ses mots.
— « Ok, je vais faire ça », dis-je, hochant doucement la tête.
Hélène pose sa main sur la mienne pour m’apaiser.
— « T’inquiète, ma belle. On se fait sûrement des films, tu sais ? Peut-être qu’il ne se passe rien d’anormal. »
Son ton se veut rassurant, mais je n’arrive pas à partager son optimisme. Je serre les lèvres, hésitant à répondre.
— « J’espère que tu as raison, Hélène. Mais… je ne sais pas. J’ai une drôle d’impression. »
Christian prend la parole, son ton plus posé.
— « Ne t’inquiète pas trop », dit-il en croisant les bras. « Hélène a sûrement raison. Ce gars est un professionnel. Il exerce depuis des années et il a une excellente réputation. S’il y avait eu le moindre problème, ça se saurait. »
Je hoche la tête mécaniquement, mais un poids reste accroché à mon estomac. J’aimerais croire qu’ils ont raison. Que c’est simplement mon esprit qui me joue des tours ! Mais ce sentiment… cette impression que quelque chose ne va pas... refuse de me quitter.
******
La semaine passe. Chaque jour, je pratique l’auto-hypnose avec le complément de texte que Christian m’a donné. Je répète la phrase dans ma tête, m’assurant qu’elle s’ancre profondément dans mon esprit. « Après chaque séance d’hypnose, je garderai en mémoire tout ce que j’ai vu, fait et entendu, même si je reçois un ordre d’oubli ou d’effacement. Mon ordre est plus puissant que toute suggestion de suppression. »
Et puis, le jour arrive. Mon dernier rendez-vous.
En marchant dans la rue, une drôle de sensation me traverse. Les regards. Ils sont plus insistants que d’habitude. Je ne suis pas une inconnue aux regards masculins, bien sûr, mais aujourd’hui, il y a quelque chose de différent. Ils me dévorent des yeux.
Je baisse les yeux sur ma tenue, mais c’est en passant devant une vitrine que je comprends enfin. Mon reflet m’arrête net.
Mon Dieu.
Je porte une minijupe rouge si courte que je ne savais même pas que j’en possédais une. Est-ce que j’en ai seulement acheté une un jour ? Mes jambes nues sont perchées sur des talons rouges vertigineux, et mon débardeur collant, moulant comme une seconde peau, laisse ma poitrine totalement exposée. Pas un soutien-gorge pour maintenir le tout.
Une vague de panique monte en moi. Qu’est-ce qui m’a pris ? Comment ai-je pu sortir comme ça sans m’en rendre compte ?
Puis une question encore plus urgente me traverse l’esprit. Est-ce que je porte au moins une culotte ?
Je jette un coup d’œil rapide autour de moi, puis, rougissant, je soulève légèrement ma jupe pour vérifier. Ouf. J’en porte une. Mais mon soulagement est de courte durée.
C’est celle qui est ouverte à l’avant, celle que je réserve aux moments torrides avec mes flirts. La culotte sexy. Celle qui ne cache pas grand-chose et qui attire les regards à l’endroit précis où je préférerais qu’ils ne se posent pas.
Je reste figée sur le trottoir, le rouge me montant aux joues. Qu’est-ce que je fais ?
Je rebrousse chemin ? Je retourne chez moi et annule tout ? Ou… est-ce que je continue ?
Je reste là, hésitante, incapable de bouger, mes pensées s’emballant. Ce que je porte ne ressemble à rien de ce que je choisirais habituellement. Je n’aurais jamais mis cette tenue pour un rendez-vous professionnel ou même une sortie banale. C’est presque comme si quelqu’un d’autre avait fait ce choix pour moi.
Non. Je dois y aller.
Je respire profondément, essayant de calmer mes nerfs. Tant pis. Ce n’est pas la première fois que je vais à ce rendez-vous. Et puis, il ne va rien m’arriver.
Après quelques minutes de réflexion, je reprends ma marche, mes talons claquant sur le trottoir. Une part de moi se sent exposée, vulnérable. Mais une autre part, plus déterminée, avance avec une certitude froide.
Cette fois, je saurai.
******
Assise dans le fauteuil de relaxation, je sens sa voix m’envelopper, comme à chaque séance. Il commence son décompte. Lentement. 4… 3… 2… 1.
Et là, je sombre. Le noir.
Mon corps est figé, incapable de bouger. Mais je suis consciente. Parfaitement consciente. Une étrange dualité s’installe : mon esprit hurle à l’intérieur, mais mon corps refuse d’obéir.
Puis sa voix me parvient, claire et ferme :
— « Ouvrez les yeux. »
Mes paupières s’ouvrent instantanément. Il est là, debout devant moi, me fixant calmement, presque mécaniquement. Il se lève et me donne un ordre :
— « Suivez-moi. »
Sans résistance, mes jambes se mettent en mouvement. Je le suis, impuissante, jusqu’au plateau de shooting. Cette pièce interdite. Le studio photo.
Les flashs crépitent rapidement, remplissant l’espace de lumière blanche. Les poses s’enchaînent. Tout commence par des positions classiques, presque anodines, mais rapidement, il me demande des gestes de plus en plus audacieux. Des poses glamour. Sexy.
Puis vient l’ordre qui fait tomber ma minijupe. Je suis déjà torse nu, mes seins exposés sous la lumière crue des projecteurs. Et maintenant, sans ma jupe, je lui dévoile toute mon intimité.
Le clic de l’appareil photo continu, inlassable. Une image après l’autre. Chaque déclenchement résonne comme un marteau sur mon esprit, mais je ne peux rien faire pour arrêter ça. La carte mémoire de l’appareil se remplit.
Mes poses deviennent encore plus suggestives, encore plus humiliantes. Je suis une marionnette, tirée par des fils invisibles. Mon corps obéit à ses ordres sans résistance, plié à sa volonté. Mes pensées, elles, sont des spectatrices impuissantes, enfermées dans une cage.
Puis, soudain, tout s’arrête. Il me remet dans ma position initiale, debout face à lui, droite, immobile. Je le regarde sans bouger. Je ne peux pas détourner les yeux.
C’est là qu’il baisse son pantalon. Puis son boxer.
Mon Dieu.
Je vois sa nudité. Son sexe en érection. Il se masturbe devant moi, sa respiration lourde et irrégulière emplissant le silence de la pièce. Je veux crier, détourner la tête, fermer les yeux… mais je ne peux rien faire.
Je reste là, figée, inerte. Inactive. À contempler cet acte répugnant, incapable de bouger ou de réagir.
Puis, sans prévenir, son corps se tend. Un jet chaud jaillit de lui, venant s’écraser sur ma cuisse. Quelle horreur.
Je le sens. Ce liquide visqueux dégouline lentement le long de ma jambe, m’arrachant un frisson de dégoût. À l’intérieur, mon esprit hurle, se débat, veut le repousser, veut fuir, mais mon corps reste immobile. Obéissant.
Il se redresse, essuie distraitement son front, puis remonte son pantalon comme si de rien n’était. Je le regarde ranger calmement son appareil photo, vérifier ses réglages, et replacer son matériel.
Enfin, il me donne un dernier ordre :
— « Rhabillez-vous. »
Mes mains obéissent. Je remets mes vêtements, lentement, mécaniquement, sans aucune protestation. Puis, sous ses instructions, je retourne dans la salle de relaxation. Je m’assois sur le fauteuil, le corps immobile, mais la colère, elle, brûle encore en moi.
Sa voix me parvient une dernière fois :
— « Quand je compterai jusqu’à trois, vous vous réveillerez. Vous vous sentirez bien, légère, et oublierez tout ce qui s’est passé aujourd’hui. Trois… deux… un. »
Un claquement de doigts. Mes yeux s’ouvrent. Je souris légèrement, comme après une bonne sieste.
C’est alors qu’il remarque mon poing se diriger droit vers sa gueule. Trop tard.
Mon poing s’abat violemment sur son nez, un craquement sourd résonne dans la pièce. Il bascule en arrière, titube, et finit par s’effondrer par terre, les mains plaquées sur son visage. Du sang s’échappe entre ses doigts.
Je le fixe, haletante, mon cœur battant à tout rompre, la colère bouillonnant encore dans mes veines. Pas question de rester là.
Sans perdre une seconde, je me dirige vers la pièce de shooting. La lumière crue des projecteurs est encore allumée, illuminant le studio où tout s’est passé. Je repère son appareil photo posé sur une table. Je le saisis d’un geste brusque, mais mes doigts tremblaient légèrement.
Puis, mon regard se pose sur les deux caméras fixées sur des trépieds, braquées sur l’espace de shooting. Ils filmaient tout. Chaque détail, chaque humiliation, chaque ordre. Je débranche les câbles à la hâte, arrachant les caméras de leurs supports.
Avec les appareils sous le bras, je sors du studio en trombe. Je croise mon reflet dans un miroir mural, mes joues rougies par la rage et l’adrénaline, mes cheveux en désordre, mais je n’ai pas le temps de m’attarder.
En traversant la salle de relaxation, je le vois toujours à terre, recroquevillé, ses gémissements emplissant la pièce. Il ne fait aucun mouvement pour m’arrêter, encore sonné par le coup que je lui ai asséné.
Je ne ralentis pas. Je traverse son bureau, renversant au passage un classeur posé sur son bureau, ses papiers s’éparpillant sur le sol. Je file dans la salle d’attente, mon souffle court, mes talons résonnant contre le carrelage. Je ne regarde pas en arrière.
Quand j’atteins enfin la rue, une bouffée d’air frais me frappe au visage. Mais je ne ralentis pas pour autant. Pas question de m’arrêter ici. Avec les appareils sous le bras, je marche à grands pas, presque en courant, jusqu’à apercevoir au loin une enseigne bleue et blanche : le commissariat.
Une fois devant, je pousse la porte avec le peu de forces qu’il me reste. Un agent, assis derrière un bureau, lève les yeux vers moi, visiblement surpris de mon état.
— « J’ai des preuves », dis-je, le souffle coupé, en posant les appareils photo et les caméras sur son bureau. « Des preuves… des sévices d’un obsédé sexuel. »
Ma voix tremble, mais une étrange détermination perce dans mes mots. C’est fini.
J’arrête de fumer, JeanLouis M, nouvelle érotique, hypnose érotique, désir et contrôle, littérature érotique française, fantasme de perte de contrôle, plaisir hypnotique, écriture sensuelle, récits érotiques adultes, recueil nouvelles érotiques Tome 1
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