NOUVELLES EROTIQUES Tome 2 (2025)
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7 - Vibrations Matures
La navette me dépose devant l’hôtel. L’air chaud me caresse aussitôt, dense, vibrant. Je traverse le parvis, les paupières lourdes sous la lumière d’avril. À la réception, un homme m’adresse un sourire, me tend une clé.
— Chambre 235, Monsieur Karlson.
Avant même que ma main serre la sienne, un employé s’empare de la clé et de mes bagages. Je le suis à travers un enchevêtrement de couloirs blancs.
— Un vrai labyrinthe, dis-je, presque amusé.
— Beaucoup de chambres, répond-il avec un sourire.
Il ouvre la porte. Un souffle plus frais glisse dans la pièce. Un salon spacieux prolonge la chambre : un canapé clair, deux fauteuils, une grande table avec un fauteuil. Lors de la réservation, je réclame quelques meubles afin d’enrichir mon cocon d’écriture. Dans un hôtel tout inclus, une telle attention me touche. Je m’avance vers la baie vitrée. La mer s’étend derrière la vitre, vaste, mouvante. Silencieux, je laisse mes yeux suivre la ligne de l’horizon. Le groom dépose ma valise sur le support, je glisse un billet dans sa main.
Je revêts un short et des sandales. L’air brûle, le soleil racle ma peau. Je quitte la chambre, curieux de découvrir les lieux. Les couloirs s’étirent, baignés de lumière, les murs renvoient des éclats blancs qui vibrent sous la chaleur. Je débouche dans une cour carrée, un jardin suspendu entre les chambres.
Les couloirs sont vides, le silence glisse jusqu’à une porte ouverte sur la piscine. Une clarté me frappe, aveuglante. Mes lunettes… je les ai oubliées sur la table du salon. J’avance, les paupières serrées, les formes se dessinent peu à peu. Le bar apparaît au bord de l’eau. Je m’installe au comptoir, commande un whisky-soda. La fraîcheur de la boisson apaise la chaleur.
Autour de la piscine, des corps allongés sur des transats. L’eau reste calme, presque dormante. Je contourne les tables, marche le long des dalles brûlantes. Le soleil m’oblige à baisser la tête. Des jambes s’offrent à ma vue, marquées, dorées, parfois ternies par le temps.
Je lève les yeux : des visages mûrs, des peaux cuites par le soleil. Ce bassin semble réservé à ceux qui cherchent le calme. Je poursuis jusqu’à la plage. Des parasols de paille projettent des ombres sur le sable clair. Personne ne bouge. L’air pèse, saturé de chaleur.
Je garde mon verre à la main, bois par gorgées. Mon regard glisse sur les silhouettes. Je rejoins le hall. Un bus vient d’arriver, les portes s’ouvrent, un flot de voyageurs descend. Les pas résonnent sur le marbre. Je m’assois dans un fauteuil, dépose mon verre sur la table. Des visages rouges, des corps fatigués avancent lentement. Une trentaine de personnes, toutes âgées, progressent en file. La chaleur les enveloppe, les ralentit.
Je les observe passer. Une impression étrange m’envahit. Je me lève, me dirige vers l’accueil.
— Oui, monsieur.
— Dites, il y a beaucoup de personnes âgées aujourd’hui.
— Oui c’est leur congrès annuel, ils viennent le faire chaque année ici.
— Ah d’accord.
— Et ça dure combien de temps.
— 2 semaines.
Manque de bol, le temps de mon séjour. Au fond, je suis ici pour écrire. Ce silence servira ma concentration, aucun vacarme ne viendra troubler mes pensées. Je flâne le reste de la journée dans les couloirs de l’hôtel, sur le sable, près des transats de la piscine. La chaleur me suit partout, légère, insistante.
Je me réserve pour la nuit. L’obscurité m’inspire davantage. Quand tout est silence, les mots s’installent plus facilement.
Avant de descendre dîner, je défais ma valise, suspends mes vêtements, range le reste dans les tiroirs. Je pose mon paquet de feuilles sur la table, sors mes crayons et mes stylos. Oui, j’appartiens à la vieille école : j’écris sur papier. J’aime sentir la pointe tracer les lettres, voir mon écriture naître sur la page blanche, comme si chaque mot libérait un souffle venu du fond de moi.
J’entre dans la grande salle du repas. Des tables rondes occupent l’espace, alignées comme des îlots sous la lumière des lustres. Les convives âgés se rassemblent déjà autour d’elles, leurs voix se mêlent en un murmure continu. Il ne reste qu’un coin libre pour nous les autres vacanciers.
J’observe ces personnes âgées, leurs visages sont illuminés. Ils rient, échangent des gestes complices, savourent l’instant. Une joie simple flotte dans l’air. Une fois terminé mon repas, je me lève, rejoins ma chambre.
Je referme derrière moi. J’ouvre la baie vitrée, laisse le bruit des vagues remplir l’espace. Le roulis de l’eau se mêle à la chaleur du soir. Je m’assois dans le fauteuil que j’ai demandé à l’hôtel, règle l’inclinaison du dossier jusqu’à trouver une position stable. Je coupe les lumières. Le bureau plonge dans l’ombre, impossible d’écrire dans ces conditions. Il manque une lampe. J’appelle le service de chambre. On m’apporte rapidement une lampe à LED, fine, souple. Sa lueur se dépose sur la table, diffuse, apaisante. Tout est en place pour commencer. Je m’installe dans le fauteuil. Devant moi, la nuit s’étend, dense, silencieuse. Une obscurité profonde comme je les aime, propice aux mots et aux pensées qui s’ouvrent lentement. J’attrape mon stylo, pose la pointe sur la feuille. L’écriture s’installe, fluide, régulière. Les mots s’enchaînent, mon rythme s’ancre.
Le temps s’écoule. Je reste concentré sur mon intrigue, absorbé par la cadence des phrases. Soudain, un son déchire le calme. Un gémissement, à peine perceptible d’abord. Je relève la tête, surpris. Peut-être un insecte, une bête perdue. Je me lève, jette un regard vers la terrasse. Rien ne bouge. Le bruit s’intensifie, plus net, plus proche. Une respiration appuyée, puis des cris étouffés traversent la cloison. J’avance jusqu’à la terrasse voisine ; leur fenêtre entrouverte laisse glisser des sons que je reconnais sans hésitation.
Je visualise la scène. Un sourire me traverse, entre gêne et amusement. Ces jeunes manquent de discrétion. Fermer la fenêtre éviterait ce concert nocturne.
Je me rassois, tente de reprendre ma phrase. Les gémissements se prolongent, lancinants. Trente minutes, peut-être plus. Puis un cri double, mêlé, s’élève avant de retomber dans un silence épais. Enfin, la paix. Je rattrape ma feuille, trace encore quelques lignes, sans réussir à retrouver le fil. Le calme revenu ne suffit pas. Le souvenir du bruit persiste dans ma tête. J’abandonne mon travail, me glisse dans le lit. Le sommeil m’enveloppe peu à peu.
Le matin, je descends à l’accueil. Je demande si mes voisins pourraient se montrer plus discrets. L’hôtesse écoute, un sourire amusé au coin des lèvres.
— Je vais les prévenir, dit-elle d’un ton léger, comme si la scène lui paraissait familière.
Je lui demande aussi un cachet contre le mal de tête.
— Le médecin de l’hôtel peut vous aider, ajoute-t-elle.
— Ah, un médecin ?
— Oui, pour ce genre d’événement, il reste sur place.
Après le petit déjeuner, je pars à sa recherche. Plusieurs personnes m’indiquent le chemin. Sur la porte, un mot tracé au feutre rouge : « Plus de Viagra. Livraison demain, 14 h. »
Je souris, sans parvenir à chasser ce mal de tête qui persiste. J’entre. La salle d’attente est vide. Le médecin me reçoit aussitôt.
— Vous, ce n’est pas pour le Viagra ?
— Non, désolé, c’est juste un simple mal de tête.
— Le soleil ?
— Non, plutôt mes voisins, un peu trop expressifs cette nuit.
Il hoche la tête, me tend deux objets.
— Ceci pour la tête, et cela pour les oreilles.
Je baisse les yeux : une paire de bouchons.
— Je crois que je m’en passerai, dis-je.
— Peut-être ce soir… mais … demain peut-être, répond-il avec un sourire discret.
Je sors du cabinet, les bouchons au creux de la main. L’image me fait sourire. Je suis venu chercher le calme, pas l’isolement. Le bruit de la mer suffit à m’apaiser. Je ne compte pas m’en priver.
La journée, je reste tranquillement sur les transats à lire. Je ne suis pas seul : il y a beaucoup de monde sur la plage et dans la piscine, où certains barbotent sans arrêt. Le troisième âge est de sortie. Ils sont calmes, pas bruyants. C’est sûr, j’avais bien coché la case « Adult Only » lors de ma recherche de séjour.
En cette fin de journée, le soleil commence à se coucher et j’admire ce beau coucher de soleil sur la mer. Plusieurs couples sont là, à se bécoter. Il n’y a pas d’âge pour ça, et c’est attendrissant de les voir ainsi.
Je rentre prendre une douche et me préparer pour le repas du soir. En sortant de ma chambre, j’aperçois mes voisins de palier. Je reste quelques secondes immobile sur le seuil : ce couple a au moins 70 ans. Non… ce n’est pas possible… Ce ne seraient pas eux qui… hier soir.
Puis la femme se retourne :
— Désolée si nos nuits sont un peu agitées. J’espère que cela ne vous a pas incommodé.
Je la regarde.
— Non, non, pas du tout… De quoi parlez-vous ?
Son mari se retourne à son tour :
— C’est plus fort qu’elle, elle ne peut pas s’empêcher de crier.
— Ah… d’accord. J’ai un sommeil de plomb, vous savez.
Ils reprennent ensuite leur chemin. Monsieur lui effleure la hanche d’un geste complice, elle lui rend la pareille. Ils échangent un regard, puis un baiser, avant de continuer leur route en riant doucement.
Le soir venu, je me sers un whisky. J’éteins les lumières de la chambre ainsi que celles de l’extérieur ; seule subsiste ma lampe de bureau, qui éclaire mon plan de travail d’une lumière douce. Je m’assois à la table. La fenêtre, grande ouverte, laisse entrer une petite brise fraîche.
Je regarde au loin, vers l’obscurité. Je ne vois rien, mais j’entends les clapotis réguliers des vagues. Je relis mon dernier paragraphe, et mon stylo recommence à tracer des lettres, des mots, des phrases. Le fil de l’histoire remonte quelque part en moi, comme s’il surgissait de mes entrailles. J’écris. Jusqu’à ce que tout se déverse, sans retenue.
La nuit est bien avancée quand… j’entends à nouveau des cris venant de la chambre voisine. Je me dis qu’ils ne vont tout de même pas recommencer ce soir encore. Intrigué, je sors. Je m’approche de leur terrasse. Les gémissements se font plus distincts. Le vent du soir s’est levé et s’engouffre par la fenêtre grande ouverte, soulevant doucement les rideaux de leur chambre.
Et c’est là que j’aperçois ma voisine… juste assez pour que je distingue leurs silhouettes. Elle est… clairement installée sur son mari. Nu. Je surprends la main de son mari qui glisse sur sa poitrine. Elle bouge son bassin. Doucement, comme guidée par un rythme. Et à chaque mouvement, un son lui échappe — d’abord un simple soupir, puis des gémissements plus marqués, jusqu’à des éclats de voix qui ne laissent aucune place au doute sur… l’intensité du moment.
C’est à ce moment-là que sa tête se tourne dans ma direction. Elle me voit. Je m’attendais à ce qu’elle sursaute, qu’elle couvre son visage, qu’elle tire les rideaux, mais elle n’a rien fait de tout cela. Elle me sourit. Un large sourire, presque malicieux. Et, comme pour en rajouter, elle accentue ses mouvements, avec une assurance déconcertante. Son époux émet aussi un gémissement, porteur d’une émotion profonde, peut-être de la passion. Un son final, bref, sans équivoque.
Je reste là, totalement tétanisé, les yeux écarquillés, incapables de comprendre si je dois m’excuser, courir, faire semblant de ne rien avoir vu. À entendre son dernier gémissement, bref et lourd, je comprends qu’il vient clairement d’atteindre… son apogée.
Je m’éclipse aussitôt, glissant hors de ce regard où vibrait presque une invitation, légère, troublante. Une sensation plus vive, plus profonde circule encore en moi. Cette scène, brève et intense, m’a laissé dans une excitation que je n’arrive pas à dissiper.
Je m’allonge, le souvenir tourne, s’attarde, s’étire. Le sommeil finit par m’emporter, chaotique, agité, traversé d’images et de sensations que je n’attendais pas.
Le lendemain, je me redresse. La chambre baigne dans une clarté douce. Le bruit régulier de la mer filtre par la baie vitrée entrouverte, et cette respiration du large apaise peu à peu les secousses de la nuit. Je me passe une main sur le visage, comme pour chasser ces images qui m’ont poursuivi. Elles ne disparaissent pas ; elles s'enfouissent quelque part entre la fatigue et une curiosité sourde.
Je me lève. Je respire profondément. Le calme du jour me remet sur les rails. Je prends une douche rapide, m’habille sans réfléchir, puis pousse la porte de ma chambre.
Le couple de voisins se trouve justement sur le palier. L’homme m’adresse un sourire éclatant, presque trop gai.
— Belle synchronisation, lance-t-il.
J’acquiesce avec un sourire poli. Madame se retourne à son tour. Grand sourire. Puis un clin d’œil.
— La prochaine fois… rejoignez-nous, dit-elle d’un ton léger.
Je reste là, figé sur le seuil, le cerveau encore engourdi, alors qu’ils s’éloignent tranquillement dans le couloir. Une chaleur confuse me traverse, mêlée au reste de mon mal de tête.
Je décide de passer au cabinet du médecin. En arrivant près de la porte du cabinet, une queue se tient déjà là. Je m’arrête, surpris. J’observe la scène : uniquement des hommes âgés, certains très âgés, le plus frêle semblant toucher les quatre-vingt-dix ans. L’attente s’étire. Trop impatient, je préfère renoncer et me diriger vers le restaurant. J’aurai plus de chance après un repas.
Une fois dans la salle, je repère une table libre près d’une fenêtre. Je m’installe. J’observe les premiers clients du matin : silhouettes encore lourdes de sommeil, gestes lents, conversations à peine murmurées. Rien à voir avec l’agitation de la nuit précédente.
Mon mal de tête s’atténue au fil du petit-déjeuner, presque effacé. Pourtant, l’image de la veille revient, tenace. Ce regard. Et ce clin d’œil lancé sur le palier, aussi déroutant que clair. Une question, insensée, me traverse : était-ce une invitation ? Impossible. Ils ont l’âge de mes parents.
Un frémissement me parcourt malgré moi. Je secoue la tête, tente de repousser l’idée. L’image persiste pourtant, tapie juste derrière mes pensées.
J’ai prévu d’écrire aujourd’hui, histoire de rattraper le retard laissé par ces nuits perturbées. L’air du large, la mer, la solitude… tout semble idéal pour remettre de l’ordre dans mes pages. Je termine mon petit-déjeuner, me lève et quitte la salle. En remontant vers ma chambre, je sens mon esprit glisser vers mes personnages, vers l’intrigue laissée en suspens. Je m’assois à mon bureau, déplie mes feuilles. Le fauteuil m’enveloppe, la pointe de mon stylo retrouve la blancheur du papier. Cette fois, je veux avancer. Je veux retrouver le fil. La chambre respire, la mer pulse au rythme de mes phrases.
J’arrive un peu tard au restaurant, presque à la fermeture. En entrant, je m’arrête net : la salle est vide. Pas une silhouette. Où sont passés les « vieux » comme je les appelle en riant intérieurement ? Je n’y accorde pas plus d’attention. Au fond, avoir tout le restaurant pour moi me plaît. Un calme parfait, presque luxueux.
Je termine mon repas, sors et me promène près du hall. C’est à ce moment-là qu’un panneau attire mon attention : grand défilé de mode — à 14 heures.
Tiens… une animation dont je n’avais pas entendu parler. Pourquoi ne pas aller voir ? Je me dirige vers la grande salle de l’hôtel. Et là, surprise : ils sont tous là. Le troisième âge, attendant le début du spectacle. Je prends place discrètement. Un speaker s’avance sur scène, ajuste son micro et annonce le début du défilé.
La musique démarre, douce au début, puis plus rythmée. Les lumières glissent sur la scène et découpent un chemin lumineux.
La première participante s’avance. Une femme âgée, vêtue d’un ensemble pastel aux matières légères. Elle avance avec une assurance tranquille, un sourire tendre accroché aux lèvres. Toute la salle applaudit, chaleureuse, presque fière d’elle.
Une autre suit, un peu plus rapide, un peu plus joueuse avec sa nuisette bordeaux transparente. Elle lance un petit geste au public, une pirouette du poignet, comme si elle retrouvait soudain vingt ans. Les applaudissements redoublent. Quelques rires fusent, légers, joyeux.
Puis viennent les hommes en string. Ils avancent avec sérieux, comme s’ils défilaient pour une grande maison de couture. D’autres misent sur l’humour, bombant la poitrine, rentrant le ventre, exagérant leurs poses. Leur aisance amuse autant qu’elle impressionne.
Le public adore. À chaque passage, les applaudissements roulent comme une vague. Il règne dans la salle une énergie étonnante, vivante, contagieuse.
À côté de moi, un monsieur moustachu me lance :
— Pas mal, hein ? Ils assurent !
Je hoche la tête en souriant.
— On dirait qu’ils font ça depuis toujours, dis-je.
— Ah, ne les sous-estimez pas, répond-il avec un clin d’œil. Ils ont de la ressource.
La dame assise de l’autre côté s’approche légèrement, comme pour m’inclure dans le cercle invisible des habitués :
— Vous êtes nouveau ici ?
— Oui, je découvre, avoué-je.
— Oh, vous allez en voir d’autres, murmure-t-elle avec un sourire mystérieux. Ici, chaque soirée réserve une surprise.
Je laisse échapper un petit rire, sans trop savoir comment interpréter sa remarque. La salle continue de vibrer. Sur scène, un duo se présente : un homme et une femme, bras enlacés avec une tendresse tranquille. Leur complicité illumine la scène. Les applaudissements deviennent presque une ovation.
Je me surprends à sourire de plus en plus. L’atmosphère me gagne, me réchauffe. Un sentiment étrange : celui d’être entré dans un monde dont j’ignorais l’existence.
Une femme aux cheveux gris coiffés avec soin avance, vêtue d’une combinaison en résille. Seins nus. Sa démarche reste sûre, droite. Sous les projecteurs, son regard capte la lumière et renvoie une lueur vive, maîtrisée. Elle s’arrête juste devant l’estrade, lance un salut gracieux.
Le public se lève presque d’un seul mouvement. La dame de ma droite me murmure :
— C’est la star de la soirée.
— Ça se voit, soufflé-je.
Autour de moi, les spectateurs rayonnent d’enthousiasme. Une joie simple, authentique, presque contagieuse. Le défilé se conclut sous une pluie d’applaudissements. La musique s’adoucit. Les lumières remontent.
Je reste assis quelques secondes, absorbé par cette ambiance inattendue, chaleureuse, pleine d’une vitalité que je n’avais pas anticipée.
La nuit est tombée. Je travaille sur la correction de mes premiers chapitres ; j’ai bien avancé. Soudain, des voix montent du couloir ou de l’extérieur. Un petit brouhaha, juste assez pour me détourner de ma page. Je relève la tête, tends l’oreille. Le son retombe aussitôt. Je souffle. J’avais craint que mes voisins décident de remettre ça.
Je me lève, me sers un verre, histoire de me détendre. Puis je sors sur la terrasse. L’air de la nuit est chaud, mais agréable.
C’est alors que j’entends des claquements secs, accompagnés de rires. De petits cris étouffés suivent. Puis plusieurs voix se mêlent. Je fronce les sourcils. Non… encore… mes voisins. Une agitation inhabituelle venant de leurs chambres.
Je confirme : le son vient bien de leur chambre. La fenêtre, grande ouverte. Je m’avance. Dans l’obscurité de cette nuit sans lune. Je ne distingue pas l’intérieur, seulement des ombres mouvantes. Un pas de trop. Je trébuche, chute en avant, bascule dans la chambre.
Le bruit a dû alerter quelqu’un. La pièce s’illumine d’un coup. Je relève la tête.
Devant moi, une scène improbable : un groupe d’hommes et de femmes nus, âgés, rapprochés les uns des autres, leurs silhouettes entremêlées dans un mouvement lent, presque chorégraphié. On dirait une fresque vivante, un tableau.
Et puis je la vois.
La “star” du défilé, nu, au centre du lit, entourée de corps qui gravitent autour d’elle, l’effleurent, la frôlent avec une lenteur étrange, presque solennelle.
Elle se redresse, alors, comme mus par un même signal silencieux, les autres s’écartent, lui ouvrent un passage. Leur retrait a quelque chose d’irréel, presque cérémoniel.
Elle s’avance vers moi. Lentement. Sa chevelure argentée glisse sur ses épaules, brille sous la lumière. Les seins rebondissent au rythme de ses pas. Je sens son aura avant même qu’elle ne soit tout près. Quand elle tend la main dans ma direction, tout vacille. Je reste figé, pris par ce regard, ce corps charnel.
Une prestance tellement forte qu’elle en devient presque irréelle. Je me relève. Elle se tient tout près, si près que son souffle frôle ma joue. Une chaleur me traverse, un frisson qui part du cou et descend dans mon ventre. Sa main approche de mon torse. Effleure le tissu, le repousse. Ses doigts suivent les plis de ma chemise en lin, glissent le long des boutons sans les brusquer. Elle les défait l’un après l’autre. La chemise s’ouvre, se relâche, se détache de moi comme s’il glissait de lui-même.
Ses doigts descendent le long de ma taille, trouvent l’attache de mon pantalon. Elle ne tire pas brusquement : elle desserre d’abord le lien, comme si elle dénouait quelque chose en moi. Le tissu, léger, se relâche aussitôt. Elle glisse ensuite ses mains sur mes hanches, paumes ouvertes, pour accompagner la chute du vêtement. Le lin suit le mouvement, coule le long de mes jambes, s’effondre en silence autour de mes chevilles. Elle se penche alors légèrement, dégage le tissu d’un geste lent, presque cérémoniel, avant de le déposer sur le côté, sans précipitation.
Elle pivote alors, m’entraîne vers le lit. Sa démarche possède quelque chose d’hypnotique. Son corps, ses mouvements, cette lenteur assumée… tout en elle dégage une sensualité déroutante, inattendue, presque souveraine. Voir une femme de son âge rayonner ainsi me trouble profondément. Je ne m’y attendais pas.
Sa main se détache de la mienne. Elle s’allonge sur le lit. Puis elle pointe un doigt vers moi. Un geste simple, mais chargé d’une intensité qui me transperce. J’hésite. Mon cœur bat trop vite. Mon esprit chancelle. Mais sa présence m’attire, me saisit, m’enferme. Je m’avance, incapable de détourner mes yeux du corps. Je sens sa chaleur avant même de le toucher. Sa respiration s’accorde à la mienne, se mélange, se confond.
Ma paume se balade sur sa peau, glisse lentement, explore ses reliefs sans précipitation. Je sens sous mes doigts une chaleur diffuse, une tension douce, presque imperceptible, qui répond à mon contact. Mon visage se rapproche du sien ; un souffle à peine nous sépare. Elle m’attire d’un mouvement subtil et ses lèvres trouvent les miennes. Un baiser profond, chargé, presque déroutant. J’y sens une énergie, une intensité qui me traverse d’un seul élan.
Je glisse ensuite ma bouche contre son cou, frôle sa clavicule, remonte vers l’arrondi de son épaule. Sa peau répond à chacun de mes passages, comme si mes lèvres suivaient un chemin.
Quand je m’aventure un peu plus bas, au creux de sa poitrine. Je sens son corps se tendre doucement sous mes lèvres. Le sommet atteint. Je sens une tension naître sous ma langue. Son souffle change, son torse se soulève avec une douceur nouvelle, comme si chaque caresse éveillait un point précis, fragile, vibrant. Sa réaction, subtile, me traverse d’un frisson que je n’aurais jamais anticipé. Une montée diffuse, brûlante, qui m’envahit et m’attire encore davantage vers elle.
Des mains inconnues glissent à proximité. Des poitrines se rapprochent. Des voix étouffées montent et retombent. Je ferme les yeux. Je descends le long de son ventre, guidé par la courbe de son corps. Je sens sous mes lèvres une tension infime, un frémissement qui m’oriente comme une boussole. Plus j’avance, plus son souffle s’accélère, comme si je touchais des zones secrètes, des points sensibles enfouis sous les années et pourtant toujours vivants.
Sa main se pose sur ma nuque. Un geste ferme, décidé, presque instinctif. Elle m’attire contre elle, m’impose une proximité que je n’avais pas anticipée. Mon visage s’enfonce dans la chaleur de son corps, dans cette zone humide où sa peau et son parfum se mêlent jusqu’à me troubler.
Elle me retient ainsi, comme si elle voulait que je m’abandonne entièrement à cette exploration. Son corps répond, se tend à peine, puis se relâche lentement, m’enveloppant d’une manière qui me dépasse.
Alors, quelque chose change dans l’air. Je sens d’autres mains sur mon corps, d’autres souffles. Des présences indistinctes se rapprochent, se fondent autour de moi. La chaleur devient collective, diffuse, vibrante. Mes sens s’ouvrent d’un coup, comme si une porte invisible venait de céder.
Je me redresse, cherche un point d’appui, mais leur cercle m’entraîne encore. Je sens des mains le long de mes bras, de mon dos, des épaules contre les miennes, des souffles mêlés. Ce n’est plus une femme que j’approche — c’est un noyau chaud autour duquel tout gravite.
Je m’allonge contre elle. Sa chaleur m’envahit. Autour, les silhouettes se rapprochent, se mêlent, se glissent contre nous. Une matrice humaine. Un amas de corps, oui — mais sans violence, sans chaos : une fusion, une houle lente qui m’engloutit.
Je ferme les yeux. Je deviens un souffle parmi les autres, une vibration parmi des dizaines. Le plaisir, s’il existe encore, n’a plus de forme : c’est une vague intérieure, immense, qui me monte au cœur, me soulève, me renverse.
Je gémis, incapable de retenir le souffle qui m’échappe. Un cri étouffé me traverse, m’arrache presque les poumons. Puis je sens quelque chose m’échapper. Que je ne contrôle plus. Jaillir en elle. À cet instant, un éclat de voix surgit près de mon oreille, chargé d’une excitation brute, presque sauvage. Puis l’onde de choc me traverse, remonte le long de mon corps comme un éclair intérieur, me laisse tremblant, vidé, tétanisé par l’intensité du moment. Nous venons de vivre une extase partagée. Synchronisée.
Mais nous ne sommes pas seuls. Tout autour, j’ai perçu d’autres souffles, d’autres élans, des vibrations qui se sont superposés aux nôtres, comme si plusieurs corps, au même instant, avaient atteint le même sommet, le même point de rupture.
Puis, lentement, la vague retombe. Les corps se détachent les uns des autres. Un souffle collectif s’échappe, large, profond, presque soulagé. Je reste allongé, incapable de bouger, les muscles encore secoués par les rémanences de cette secousse partagée.
Autour de moi, les silhouettes se relèvent, s’écartent avec une douceur surprenante, presque respectueuse, comme si chacun avait conscience d’avoir participé à quelque chose qui les dépasse.
Elle, la femme aux cheveux d’argent, se redresse en dernier. Elle pose sur moi un regard. Puis elle murmure, presque à voix basse, comme si ces mots n’étaient destinés qu’à moi :
— Le mois prochain, notre cercle de sexe mature positif se réunit à Las Vegas. Tu es le bien venu … si tu le souhaites.
Je reste muet un instant. Un sourire me traverse malgré moi, furtif, incrédule. Elle incline légèrement la tête, un salut silencieux. Puis elle se détourne, rejoint le groupe qui s’éloigne sans un bruit.
Il ne reste plus que l’obscurité… et le souffle de la mer au loin. Je ramasse mes vêtements qui trainent au sol, encore tremblant, puis je regagne ma chambre. Je m’effondre sur le lit. Exténué. Le sommeil me prend d’un seul bloc.
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